Le Mozambique est une longue plaine côtière s’étendant sur plus de 2000 kilomètres du nord au sud. Le pays est traversé par une multitude de cours d’eau, dont le Zambèze et le Limpopo, qui serpentent jusqu’à la mer depuis les hauts plateaux du Malawi, de la Zambie, du Zimbabwe et de l’Afrique du Sud. Il est séparé de Madagascar par le canal qui porte son nom, point de passage important sur la route maritime qui relie l’Amérique du Sud à l’Asie.
La société mozambicaine est complexe. Près de 43 langues et de nombreuses ethnies dont les plus importantes sont les Makhuwa, les Tsonga, les Lomwe et les Sena. La population est en forte croissance, dépassant aujourd’hui les 30 millions d’habitants. Les Mozambicains sont jeunes (44% de moins de 15 ans), ruraux (63%) et extrêmement pauvres.
Le Christianisme est la religion la plus représentée (56%), suivi par l’animisme (18%) et l’Islam (18%) qui est majoritaire dans deux états du Nord, le Niassa et le Cabo Delgado. 50% de la population est concentrée dans les provinces de Nampula, de Zambésie et dans le grand Maputo, la capitale. Le sud du pays, proche de l’attractive Afrique du Sud, est la région la plus riche. Puis, plus l’on va vers le nord, plus la pauvreté est grande.
Si l’on regarde son histoire, le Mozambique est une invention du Portugal qui va coloniser ses côtes à partir du XVIe siècle (découverte de l’île de Mozambique en 1507). Les populations locales ont été victimes à la fois de la traite Atlantique et de la traite arabo-musulmane via Zanzibar. Le pays a payé cher son indépendance avec une guerre de libération qui a duré de 1964 à 1975. Le FreLiMo (Front de libération du Mozambique) de Samora Machel, parti marxiste, prend le pouvoir en pleine guerre froide et doit rapidement lutter contre le ReNaMo (Résistance nationale du Mozambique), soutenu par l’Afrique du Sud anti-communistes jusqu’à la fin de l’apartheid. Cette guerre civile fera près d’un million de victimes jusqu’en 1992, année de signature des accords de paix à Rome.
Depuis 1994, le pays fait l’expérience de la démocratie. Le FreLiMo a systématiquement remporté des élections entachées de fraudes mais avec une alternance de personnages : Joaquim Chissano, Armando Guebuza et Felipe Nyusi depuis 2015. A la fin des années 90 et durant la décennie 2000, les investissements étrangers dans le pays ont explosé notamment dans les richesses du sous-sol (charbon, bauxite, hydrocarbures) et le Mozambique a connu une période de forte croissance. Mais la corruption des classes dirigeantes a éclaté au grand jour. Une dette cachée de 2 milliards de dollars a été découverte en 2016, conséquence d’emprunts opaques réalisés par certaines entreprises publiques. L’année suivante, le pays s’est déclaré en défaut de paiement ce qui a appauvri davantage la grande majorité de la population.
Aujourd’hui, le Mozambique est confronté à plusieurs enjeux :
– La reconstruction post cyclone Idai de mars 2019 qui a ravagé les infrastructures du centre du pays et notamment la région de Beira, très importante pour l’économie du Mozambique.
– La gestion de la paix précaire entre le FreLiMo et le ReNaMo : le leader historique du ReNaMo, Afonso Dhlakama est décédé en 2018 et a été remplacé par Ossufo Momade. Un accord « définitif » a été signé entre les deux parties en août 2019 qui prévoit le désarmement des derniers combattants du ReNaMo et leur réintégration dans la vie civile, 45 ans après l’indépendance.
– Le développement de la manne gazière : le charbon et l’aluminium représentent actuellement 32 et 28% des revenus d’exportation. Mais cela pourrait changer. D’importants gisements de gaz ont été découverts en 2010. Les plus prometteurs se situent dans la province du Cabo Delgado à l’extrême Nord du pays et doivent fournir l’Asie en GNL (gaz naturel liquéfié). Les grandes majors pétrolières telles que ENI, ExxonMobil, Sasol et Total sont en ordre de bataille pour faire du Mozambique le « petit Qatar africain ». Le Cabo Delgado est cependant secoué depuis 2017 par une insurrection islamiste, certains groupes se revendiquant de Daesh, que le gouvernement de Maputo ne parvient pas à endiguer. Total a d’ailleurs signé en août 2020 un accord prévoyant la création d’une « force sécuritaire conjointe » chargée d’assurer la sécurité des activités du groupe qui a investi près de 15 milliards de dollars dans le pays.
– La restructuration de la dette: le Mozambique négocie toujours avec ses créanciers internationaux pour restructurer et rééchelonner sa dette. Depuis le défaut de paiement de 2017 (affaire de la dette cachée), la part de la dette externe détenue par la Chine ne cesse de croitre. L’Empire du Milieu est en effet plus accommodant et sait que le pays a cruellement besoin d’argent. Les prêts financent principalement de grands projets d’infrastructures (pont suspendu de Maputo, investissements portuaires), actifs sur lesquels la Chine peut compter en cas de non remboursement. Le Mozambique est intéressant car il pourrait désenclaver des pays comme la Zambie et le Zimbabwe, riches en ressources minières mais ne disposant pas de façade maritime. Une alternative aux ports de Durban et Dar es Salam qui drainent toujours la majeure partie des flux dans cette région du monde.
– La reprise en main du Cabo Delgado : le Mozambique, du fait de sa position géographique, est un pays naturel de transit vers la riche Afrique du Sud. Zanzibar et Dar es Salam constituent les hubs historiques régionaux de la contrebande : ce sont les points d’entrée des drogues venues du Croissant d’or (Iran, Afghanistan, Pakistan) notamment l’héroïne. Depuis une décennie, le Cabo Delgado est devenu un nouveau carrefour des trafics. Les mafieux côtoient les islamistes dans cette province qui est amenée à devenir centrale dans le développement à moyen-terme du pays du fait de ses richesses gazières. La France, qui dispose d’une importante ZEE dans le canal du Mozambique grâce à ses territoires d’Outre-Mer (Mayotte, Iles Éparses), est un acteur qui pourrait avoir un rôle plus important à jouer à l’avenir. Le risque principal est que le nord du Mozambique emprunte le même chemin que la Somalie où la pauvreté pousse la jeunesse dans la contrebande, la piraterie et le terrorisme.
© Christophe Chabert
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