En février 2025, j’ai fait travailler mes étudiants en classes préparatoires HEC (MyPrepa) sur un sujet très actuel : « Mondialisation et dépendances ». En 4 heures, ils ont dû produire une dissertation et réaliser une carte ce qui correspond au format de l’épreuve HEC/ESCP. Je me suis moi-même plié à l’exercice afin de leur proposer un corrigé digne de ce nom.
La cartographie implique toujours de faire des choix, de s’auto-censurer car il est impossible d’être totalement exhaustif en particulier sur ce type de « sujets-fleuve » où plusieurs axes d’analyse sont recevables.
Vous trouverez ci-dessous le plan et les 18 éléments que j’ai choisi de représenter. Mes choix ont été notamment guidés par le corpus documentaire qui accompagnait le sujet. Vous l’aurez compris, cette carte est donc discutable et ne prétend pas être l’unique solution possible.
1/ La mondialisation contemporaine a créé un système-monde reposant sur des logiques d’interdépendance
a. Un monde ouvert et interconnecté, fruit du néo-libéralisme des années 1980
- Triomphe du consensus de Washington à la chute de l’URSS : le capitalisme américain s’impose au monde
- Interconnexion et mise en réseau de la planète : libéralisation des flux de biens, de services et de capitaux
b. Un système interdépendant, hiérarchisé et spécialisé (Ricardo)
- Les centres du système mondial dépendent les uns des autres mais aussi des périphéries, essentiellement pour la main d’œuvre et les ressources naturelles
- Les pôles émergents dépendent des centres pour les investissements, la technologie, l’accès aux marchés. Ils sont également dépendants les uns des autres pour les matières premières
c. Des interdépendances qui demeurent asymétriques
- La ligne Brandt (Nord/Sud) reste pertinente : les pays du Nord sont mieux armés face aux effets néfastes de l’interdépendance que les pays du Sud
- Les PMA : des pays toujours enfermés dans la dépendance aux matières premières non transformées (maladie hollandaise, mauvais termes de l’échange)
2/ Une interdépendance mise à mal par les crises, les mutations économiques et le retour du hard power
a. Depuis les années 90, la multiplication de crises a mis en lumière les dangers d’une trop forte interdépendance
- Les crises économiques sont de plus en plus contagieuses du fait de l’interconnexion des économies et de la globalisation financière (effet domino)
- La crise du covid-19 a révélé de nombreuses dépendances stratégiques entre les États et a éveillé les consciences sur les conséquences des délocalisations massives (pénurie de biens essentiels comme les masques)
b. De nouvelles dépendances liées aux mutations économiques et géopolitiques qui redistribuent les cartes
- Les industries du numérique et des technologies vertes requièrent des matières premières que peu de pays possèdent : « le pétrole du 21e siècle ». Trois exemples : Chine : 80% des réserves de terres rares / RDC : 60% des réserves de coltan / Bolivie : 25% des réserves de lithium
- Pays africains les plus endettés auprès de Pékin (montant supérieur à 5Md$ à fin 2023). La Chine mène une « diplomatie de la dette », notamment en Afrique, où les prêts sont garantis par les ressources naturelles des emprunteurs. Cela lui permet de s’assurer les ressources nécessaires à son immense industrie
c. Le retour de la géopolitique : la guerre en Ukraine comme révélateur de dépendances
- L’Europe est plus que jamais dépendante du parapluie militaire américain pour assurer sa défense
- Palier une dépendance revient souvent à en créer une autre. Exemple : l’Union européenne n’est plus dépendante du gaz russe mais désormais du gaz nord-américain
- La guerre a révélé la dépendance de nombreux pays d’Afrique aux importations de céréales en provenance d’Ukraine et de Russie
3/ Vers une réduction des dépendances par la remise en cause de la mondialisation ?
a. Les États-Unis, architectes de la mondialisation contemporaine, remettent en cause le libéralisme et le multilatéralisme au nom de leur indépendance
- Une tentation isolationniste de l’Amérique sous l’ère Trump : guerre commerciale, retrait des accords de Paris pour le climat, rejet du droit international
- Une volonté américaine de « découplage ciblé » dans les domaines où la Chine n’est pas autosuffisante : l’exemple de Taïwan et des semi-conducteurs –> le Chips Act de 2022 empêche les entreprises taïwanaises de pouvoir exporter les technologies américaines de pointe en Chine continentale tout en les encourageant à produire aux États-Unis
b. Dans les pays du Nord, des tendances montantes en faveur de la réduction de dépendances jugées trop fortes
- Montée en puissance de partis populistes appelant à un retour à la souveraineté nationale et à plus d’autosuffisance
- Mouvement de relocalisation de certaines industries, notamment stratégiques dans les pays du Nord
c. Mondialisation et indépendance : une chimère ?
- Prospective : vers une bi-mondialisation où les États devront choisir de dépendre soit de la Chine soit des États-Unis ? Retour à des dépendances de blocs ?
- Le système autarcique ne semble pas viable en termes de développement : pays en économie fermée ou semi-fermées, des échecs sociaux-économiques
© Christophe Chabert
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