Invité par le club HEC Géostratégies le 6 juin dernier autour du thème « Les piliers de la stratégie chinoise », Renaud Girard, grande figure du journalisme français, a livré son analyse sur les motivations de l’Empire du milieu qui devrait s’imposer comme la principale puissance mondiale au cours du siècle.
C’est Sun Tzu, dans l’Art de la guerre, qui résume peut-être le mieux la pensée de Renaud Girard sur la stratégie chinoise actuelle : « Le meilleur savoir-faire n’est pas de gagner cent victoires dans cent batailles, mais plutôt de vaincre l’ennemi sans combattre ». Consciente qu’elle finira par détrôner les États-Unis d’Amérique, la Chine ne souhaite cependant pas devenir une nouvelle puissance belliqueuse utilisant la force des armes pour imposer sa volonté. Selon R. Girard, « Il s’agit d’un peuple de commerçants et non de guerriers », qui atteindra ses objectifs sans qu’un coup de feu ne soit tiré.
Cette « force tranquille » n’en demeure pas moins déterminée à mener à bien sa stratégie qui repose sur 4 piliers : la sanctuarisation du territoire national (lutte contre la politisation des minorités notamment au Tibet et au Xinjiang, arrimage définitif de Hong Kong, retour de Taïwan et souveraineté sur les mers de Chine), le rétablissement du prestige de la Chine à l’étranger (« il n’est plus question de donner des leçons de morale à la Chine »), le leadership en Asie et enfin le respect des règles du multilatéralisme en vigueur (maintien de la structure de l’ONU).
La puissance chinoise s’exerce avant tout par ses capacités financières (presque) sans limite qui sont employées à la sécurisation et au développement de nouvelles routes commerciales (projet OBOR). L’objectif est de diversifier tant les marchés à l’import qu’à l’export. En Afrique, Amérique latine et Asie centrale, la formule est souvent la même : construction d’infrastructures financées par des prêts chinois. Si l’État ne peut plus rembourser, la Chine se fait alors accorder des concessions ou des terres. En Europe, elle profite des rivalités internes pour mener une politique de séduction bien rôdée (promettre à chaque pays un partenariat spécial), et profite également des crises de liquidité pour acquérir des biens stratégiques.
La seule inconnue repose sur les États-Unis. L’échec du pivot asiatique d’Obama fut une première victoire pour la Chine qui dispose désormais de plus de marges de manœuvre dans son environnement proche. L’Empire du milieu semble avoir remporté le premier set dans la guerre commerciale initiée par le président Trump mais le match ne fait que commencer. Kurt Campbell, diplomate et homme d’affaires américain consulté par Renaud Girard lui confiait que les États-Unis, contrairement à l’Angleterre dans le passé, ne céderont sans doute pas leur couronne si facilement. Le XXIe siècle sera bel et bien un face à face sino-américain.
Christophe Chabert
MINI BIO :
Né à New York, Renaud GIRARD est normalien et énarque. Il fait son service militaire comme chef de section de combat au 27ème bataillon de chasseurs alpins. Correspondant de guerre au Figaro depuis 1984, il a couvert la quasi-totalité des conflits de la planète depuis cette date. En Avril 2013, il devient le chroniqueur international du même journal. Il enseigne également la géopolitique à Sciences Po Paris.
Romel
Comment ne pas être admiratif devant ces talents capables de conceptualiser les données les plus complexes de l’ensemble des défis qui se posent à la Chine?
Ils y vont, observent le pays en quelques jours, semaines ou même mois, ne sont pas reçus à haut niveau (leurs articles) et vous assènent des analyses et des opinions tranchées. Ils sont merveilleux!