Depuis plusieurs mois, la Catalogne déchaîne les passions en Espagne mais également dans l’Europe tout entière. Beaucoup ont un avis tranché sur la question mais connaissons-nous vraiment l’histoire de cette communauté autonome ? Retrouvez ci-dessous un podcast de synthèse qui couvre plus de 8 siècles d’histoire catalane.
https://soundcloud.com/christophechabert/8-siecles-dhistoire-de-la-catalogne
Texte et audio : © Christophe Chabert
Image : © Antoni Tàpies
Le référendum d’autodétermination organisé le 1er octobre 2017 en Catalogne s’est soldé par une large victoire du oui à plus de 90%. S’en est suivi une tempête politico-médiatique lorsque le président de la Generalitat, Carles Puigdemont a déclaré unilatéralement l’indépendance de la Catalogne le 27 octobre. En réponse, le gouvernement espagnol a enclenché l’article 155 de la constitution mettant sous tutelle la région. Puigdemont, poursuivi pour rébellion et sédition, a choisi la voie de l’exil en Belgique. Les nouvelles élections convoquées le 21 décembre ont donné une courte victoire aux partis indépendantistes qui ne sont pas parvenus depuis à former un gouvernement. Le blocage de la situation actuelle tient en grande partie au sort du leader exilé, et la possibilité qu’il soit élu président.
Plutôt que de disserter sur d’hypothétiques scénarios d’avenir, je vous propose un retour en arrière avec cette courte histoire de la Catalogne du IXe siècle après JC à la chute de la dictature franquiste en 1975.
En 732, Carles Martel arrête l’expansion arabe à Poitiers. Son fils, Pépin le Bref (714-768) chasse les troupes arabes de Septimanie, actuel Languedoc-Roussillon. C’est Charlemagne (742-814) qui s’empare de Gérone en 785 puis de Barcelone en 801 avant de conquérir la vieille Catalogne. Barcelone devient le centre des possessions de l’Empire carolingien qui forment la « Marche d’Espagne », véritable foyer de la Reconquista et interface privilégiée des échanges entre monde chrétien et monde musulman. Guifred le Velu, Guifré el Pilos en catalan, devient comte de Barcelone en 878. Il est considéré comme le père fondateur de la Catalogne. Il parvient à réunir les comtés d’Urgell, de Cerdagne, d’Osona, de Gérone et de Barcelone. Il est à l’origine d’une dynastie comtale et royale qui perdurera jusqu’en 1410.
En 985, les troupes maures commandées par Al-Mansur saccagent Barcelone. Le comte Borrell II (947-993) de Barcelone avait demandé à plusieurs reprises l’aide de son suzerain, le roi des francs, Hugues Capet qui n’envoya pas de troupe. Cette inertie marque le début de l’émancipation progressive des comtés catalans de la couronne de France. Aux XIe et début du XIIe siècle, les comtes de Barcelone, devenus peu à peu souverains de la Catalogne, entreprirent une vaste politique d’expansion territoriale dans le sud de la France actuelle. Le comte Raimond Bérenger 1er (1035-1076) acheta en 1067 les comtés de Carcassonne et de Razès puis fit l’acquisition de plusieurs droits sur Narbonne, Toulouse et Béziers. En 1112, Raimond Bérenger III (1082-1131) acquit par son mariage avec Douce de Gévaudan les droits des comtés de Gévaudan, Millau, Carladez et de la Provence.
On date généralement la naissance de l’union du royaume d’Aragon et du comté de Barcelone par le mariage de Pétronille d’Aragon et de Raimond Bérenger IV de Barcelone en 1137. Il s’agissait d’une confédération de royaumes indépendants, disposant chacun de ses propres lois et institutions sous l’autorité d’un prince unique. Le traité de Corbeil fixa la frontière avec le royaume de France en 1258. Jacques 1er d’Aragon renonce au Languedoc (sauf Montpellier) et à la Provence quand Louis IX de France renonce à ses prétentions sur la Catalogne, la Cerdagne et le Conflent. 1283 marque l’officialisation du CORT GENERAL de Catalogne (Parlement). La GENERALITAT de Catalunya est quant à elle créée en 1359. La couronne d’Aragon devient, grâce à ses conquêtes, une véritable thalassocratie prospère en méditerranée. Elle s’empare tour à tour de Minorque (1232), du royaume de Valence (1238), de la Sicile (1282), de Malte (1283), de la Sardaigne (1323), de Majorque et Ibiza (1344) et du royaume de Naples (1442).
Le mariage de Ferdinand II d’Aragon et d’Isabelle 1ere de Castille en 1469 initie l’union des deux royaumes et marque la fin de la dynastie catalane. Le catalan continue de bénéficier de son statut de langue officielle dans les anciens comtés catalans. 1492 est une année charnière qui voit la prise de Grenade, dernier bastion maure dans la péninsule ibérique, ainsi que la découverte du Nouveau monde. aAu cours du XVIe siècle, l’Espagne vit sous le règne des souverains issus de la maison d’Autriche dont Charles Quint qui accède au trône en 1516. Au sein de l’immense empire espagnol, la Catalogne constituait un Etat autonome conservant ses institutions traditionnelles et sa langue. C’est l’époque de l’apogée espagnole. La Catalogne fut cependant maintenue à l’écart des affaires politiques et financières de l’Espagne notamment du fruit des échanges croissants avec l’Amérique qui allaient faire la richesse et la gloire de la Castille.
Lors du retour surprise de la France dans la guerre de 30 ans (1618-1648), Philippe IV d’Espagne (1621-1665) manque de ressources. Son ministre, Gaspar de Guzman, comte d’Olivarès, souhaite supprimer les privilèges locaux des catalans pour les faire participer à l’effort de guerre (c’est union des armes contre la promesse d’un meilleur partage des fruits de l’Empire). En 1640 éclate la guerre des faucheurs (ELS SEGADORS qui deviendra l’hymne catalan) : les paysans et faucheurs prennent Barcelone, tuant fonctionnaires, juges royaux ainsi que le vice-roi. Pau Claris, à la tête de la Generalitat, proclame la République en 1641 mais l’oligarchie perd le contrôle de la situation face à la révolte des paysans pauvres. Les gouvernants font appel à Louis XIII qui s’empresse d’occuper la Catalogne qui est désormais sommée d’entretenir son armée. Suite à la paix de Westphalie (1648) et le retrait de la France, Philippe IV reprend la Catalogne en 1652 et signe le respect des lois catalanes. En 1659, le traité des Pyrénées entérine la paix entre la France et l’Espagne. Le royaume de France annexe « la Catalogne du nord » avec le comté de Roussillon, les pays de Vallespir et de Conflent ainsi que l’est du comté de Cerdagne.
En novembre 1700, le roi d’Espagne Charles II de Habsbourg meurt sans descendance. Il avait légué sa couronne par testament à Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis XIV. Toute l’Europe se sent menacée par la potentielle alliance dynastique entre la France et l’Espagne, la guerre éclate. La Catalogne et l’Aragon appuient la candidature de l’archiduc Charles d’Autriche contre Philippe d’Anjou. La ville de Barcelone est assiégée et se rend le 11 septembre 1714 (aujourd’hui jour de la DIADA, fête nationale catalane). Philippe V de Bourbon (Philippe d’Anjou) accède au trône d’Espagne et pratique une politique de centralisation à la française. La Catalogne se voit imposer en 1716 les décrets de la Nueva Planta : abolition de la Generalitat, suppression du droit catalan. Le castillan devient seule langue officielle de l’Etat.
Il faudra attendre la seconde République en 1931 pour voir le court rétablissement de la Generalitat et du statut de la langue catalane. Franco y mettra un terme dès 1938 avec la révocation de l’autonomie de la Catalogne et l’interdiction de parler catalan en public. Le chute de la dictature franquiste en 1975 puis la Constitution de 1978 ouvrent un nouveau chapitre de coexistence de la Catalogne au sein de l’Espagne, coexistence qui semble aujourd’hui remise en cause.
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