A chaque nouvelle affaire de corruption, de blanchiment d’argent, de conflits d’intérêts impliquant des hommes politiques, une grande partie de la société semble réagir comme un enfant découvrant que le père Noël n’existe pas. C’est la stupéfaction d’abord puis la colère d’avoir été trompé, de ne pas avoir découvert la vérité plus tôt avant un retour à la normalité. On pourrait penser que la répétition de ces événements fasse prendre conscience aux hommes que quelque chose ne tourne pas rond mais il n’en est rien, comme si nous acceptions de vivre dans une sorte d’amnésie collective.

La technique de base pour un politique mis en cause est de tout nier en bloc et de s’entourer des meilleurs avocats et juristes qui sauront dans la plupart des cas étouffer les affaires. Et même quand ils sont pris la main dans le sac et que les faits les accablent, ils savent mieux que quiconque qu’un moment de honte est vite passé tant la mémoire humaine est défaillante. Jean François Copé a bien osé se présenter à la Primaire de la droite après une petite traversée du désert qui lui a permis de se faire oublier un temps et cela n’a pas vraiment choqué qui que ce soit.

En ce moment, la justice française sert au peuple la tête de Jérôme Cahuzac sur un plateau. Elle menace enfin un haut gradé de la politique de prison ferme afin de satisfaire la vindicte populaire. Face à l’exaspération ambiante il faut bien que quelqu’un paie mais ne soyons pas naïfs, le système n’est en aucun cas remis en cause et saura rapidement trouver la parade pour mieux protéger ses meilleurs soldats si besoin est. Se focaliser sur une personnalité bien précise est même une chance car cela permet de cacher la partie immergée de l’iceberg. Et que ceux qui tombent ne s’avisent pas de révéler de plus grandes vérités car le châtiment sera encore plus sévère : la marginalisation totale.

Cette réalité n’est pas nouvelle, elle est même une constante dans l’Histoire humaine n’en déplaise aux plus rêveurs d’entre nous. Les valeurs d’honnêteté, de transparence et de verticalité ne permettent toujours pas de triompher en politique. Cela ne signifie pas que l’ensemble de nos ministres et députés trichent ou se moquent de nous mais qu’ils appartiennent à un monde où règne une certaine omerta. Pour faire carrière, il est indispensable de trouver des soutiens et plus particulièrement des soutiens financiers. Cet argent provient de personnes qui s’attendent par la suite à un juste retour sur investissement. Les politiciens sont redevables et ne peuvent échapper à leurs nouvelles obligations sans prendre le risque que cela se retourne contre eux. Comme dans un système mafieux, il n’y a pas de retour en arrière.

Ceux qui refusent de se salir les mains n’accèdent généralement pas aux fonctions clés du pouvoir et sont relégués à des postes secondaires. Les autres acceptent les règles du jeu en échange de quoi la logique du « pas vu pas pris » est de mise. Cette immunité est fragile comme le démontre les affaires récurrentes et seuls les plus doués parviennent à ne jamais être impliqués (par exemple Jacques Chirac).  De leurs côtés, les institutions restent passives tant que la presse ne découvre pas les manigances. Neelie Kroes a ainsi pu être commissaire européenne à la concurrence de 2004 à 2009 tout en étant directrice de la société offshore Mint Holdings Limited domiciliée aux Bahamas, un paradis fiscal bien connu de tous. Rien de très étonnant quand on sait que son patron, José Manuel Barroso a pu devenir lobbyiste auprès la banque américaine Goldman Sachs (en grande partie responsable de la crise des subprimes) une fois achevé son mandat à la Commission. En réponse aux accusations de conflits d’intérêts, le comité d’éthique européen a estimé qu’il n’y avait ici aucune infraction.

Le problème réside aujourd’hui dans le fait que l’oubli collectif ne fonctionne plus si bien. Les peuples semblent se réveiller dans une totale désillusion qui aura tôt ou tard des conséquences tragiques. Face à cette menace, nos dirigeants ne semblent pas vraiment vaciller, trop habitués à la doctrine du « plus c’est gros, plus ça passe ». Ils démontrent ainsi leur mépris des populations qu’ils sont censés représenter ainsi que leur sentiment de toute puissance. La violence est-elle alors la seule solution ? Même si cette réalité donne envie de pleurer, l’humour pourrait sans doute nous apporter un petit peu de réconfort. Pourquoi ne pas organiser des « attentats musicaux » en faisant retentir régulièrement la célèbre chanson de Dalida « Paroles Paroles » lorsque nos hommes politiques nous promettent monts et merveilles ou refusent de répondre aux interrogations par des jeux de passe-passe qu’ils maitrisent si bien ? Les manifestations citoyennes ne parvenant jamais à les faire bouger d’un iota, nous devrions sans doute utiliser des armes plus douces mais aussi plus humiliantes qui auraient le mérite de bien s’imprimer dans la mémoire de tout un chacun.

Christophe Chabert